Positions du christianisme à l'égard de l'avortement

Les positions du christianisme à l'égard de l'avortement sont diverses selon les Églises et, au sein de celles-ci, selon les tendances.



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Les positions du christianisme à l'égard de l'avortement sont diverses selon les Églises et , au sein de celles-ci, selon les tendances. Ainsi, l'Église catholique romaine a une doctrine officielle qui prévoit l'excommunication pour ceux qui pratiquent l'avortement. Certains catholiques réformateurs partagent une position pro-choix.

La position des Églises orthodoxes rejoint, sur le plan de la morale, celle du catholicisme.

Les Églises protestantes historiques (presbytérienne, épiscopalienne, méthodiste…) adoptent des positions variées.

Les Églises évangéliques, mais aussi les Témoins de Jéhovah, interdisent résolument l'avortement.

Catholicisme

S'appuyant surtout sur Tertullien qui affirme au IIe siècle : Il est déjà un homme celui qui doit le devenir[1], dès le concile d'Elvire vers l'an 300, l'Église catholique sanctionne l'avortement par l'excommunication, quel que soit le stade de développement du fœtus, et que ce soit une interruption volontaire de grossesse (IVG) ou une interruption médicale (IMG). Cependant, la question de savoir à quel moment le fœtus doit être reconnu comme entièrement humain (ce qui rend l'avortement condamnable au même titre qu'un meurtre) a été longuement débattue.

La question des limbes

Enfin, la récente décision, en 2008, de la commission théologique internationale du Vatican, acceptée par le pape Benoît XVI, de considérer l'idée des limbes, théorisée par Saint-Augustin, comme «une vision trop restrictive du salut» précise le statut des embryons avortés, puisque si l'avortement est toujours condamné, l'Église affirme «qu'il y a lieu de croire que Dieu pourvoit au salut de ces enfants, exactement parce qu'il n'a pas été envisageable de les baptiser» et qu'il y a «des bases théologiques et liturgiques sérieuses pour espérer que quand ils meurent, les bébés non baptisés ne vont pas en enfer»[2], [3].

Du Concile de Vienne (1312) au Concile de Trente (1563)

Au Concile de Vienne en 1312, «l'Eglise Catholique a exclu tout dualisme entre le corps et l'âme dans la nature humaine, niant ainsi la pré-existence de l'âme avant le corps ; il faut les deux pour former un être humain, l'âme animant le corps. Cependant le Concile n'a pas précisé à quel stade du développement humain avait lieu cette union de l'âme et du corps». [4] La thèse de l'animation médiate (c'est-à-dire différée), qui avait la faveur de Saint Thomas d'Aquin, parait être la plus commune chez les pères conciliaires mais elle n'est pas rendue «de fide», c'est-à-dire engageant la foi. Le Concile de Trente (1563), ne prend lui non plus pas partie quant à la date de l'animation du fœtus. Cependant, l'avortement n'est pas condamné comme meurtre sur un être humain, mais à cause du respect dû à l'embryon dès sa conception, que sa nature entièrement humaine soit réalisée ou non.

Du XVIe au XXe siècle

En 1679, Innocent XI confirme que la condamnation de l'avortement est indépendante des controverses théologiques sur la date d'«animation» de l'âme. [5][réf.  insuffisante] Par la suite, les différents papes reviendront à de nombreuses reprises sur ce sujet sensible. La bulle effrænantum de Sixte V en 1588 fait de tout avortement un crime méritant excommunication. Elle fut annulée par son successeur Grégoire XIV trois ans plus tard à cause des abus génèrés par une application trop stricte de la sentence.

C'est à partir de la fin du XIXe siècle que la papauté facilite la thèse de «l'animation immédiate» définissant que l'être humain existe dès la conception, par la lettre Apostolicæ Sedis de Pie IX en 1869. [6] Casti connubii de Pie XI en 1930, Humanæ Vitæ de Paul VI en 1968, et enfin Evangelium vitæ de Jean-Paul II en 1995 vont répéter cette condamnation absolue de l'avortement génèré.

Les débats doctrinaires actuellement

Aujourd'hui, dans l'Église catholique, [7] «qui procure un avortement encourt l'excommunication latæ sententiæ», c'est-à-dire une exclusion automatique du simple fait que l'acte ait été commis, sans que l'autorité cléricale ait à se prononcer. [8] Cette forme d'excommunication, génèrée par l'acte même (ce n'est pas une juridiction ecclésiastique qui décide d'excommunier) est rarissime pour les laïcs (la plupart des cas recensés dans le droit canon concerne les clercs), ce qui montre bien la force de l'interdit pour l'Église catholique. Néanmoins, pour encourir véritablement cette peine, l'une des conditions est de savoir qu'elle est liée au délit (au moment où le délit est commis), ce qui, de facto, est rarissime (un exemple s'est produit le 5 mars 2009, par l'archevêque brésilien José Cardoso Sobrinho).

Bien que le magistère semble avoir tranché définitivement la question, avec L'évangile de la vie (1995), où le pape condamne tout avortement sans exception, certains théologiens «libéraux» [Qui ?] affirment que l'interruption médicale de grossesse (IMG) est moralement acceptable. [9]

L'Église affirme ne porter un jugement sévère que sur l'acte lui-même et non pas condamner la personne, ce que montre sa recommandation sur l'accueil pastoral qui doit être réservé aux femmes ayant avorté : elle souligne que cet acte, qu'elle considère particulièrement grave, est traumatisant pour la personne qui l'a vécu, qui doit par conséquent du fait même être accompagnée avec une sollicitude toute spécifique. D'autre part, l'Église affirme que l'avortement résulte fréquemment d'une pression sociale, [10] «structure de péché»[11] contre laquelle il convient de lutter par des actions sociales adaptées (abstinence, centre d'accueil pour mères en détresse). Des excommunications ont néenmoins frappées les femmes ayant avorté, signe sûr d'une condamnation effective.

En revanche, l'Église condamne sévèrement les membres du corps médical procédant à l'avortement (et ce, même dans le cas de prescription de médicament abortif — par exemple la «pilule du lendemain») en les excommuniant. Ceci s'applique aussi aux hommes politiques qui défendent l'avortement, comme participants à cette structure de pêché[12] [13]. Les sacrements (en particulier la communion, le mariage et l'extrême-onction) leur sont par conséquent interdits, ainsi qu'en principe l'enterrement en terre consacrée.

Limites

L'excommunication de mars 2009

En mars 2009, l'archévêque d'Olinda et Recife, José Cardoso Sobrinho prononce une peine d'excommunication à l'encontre de la mère d'une fillette de neuf ans ayant avorté après avoir été violée, mais aussi des médecins ayant pratiqué l'IVG. Critiquée par la société civile brésilienne et l'opinion laïque mondiale, la peine a été confirmée par le cardinal Giovanni Battista Re, officiel du Vatican dans une interview à «la Stampa», fréquemment présentée comme la "réaction officielle du Vatican" [14].

Plusieurs évêque français comme Yves Patenôtre ou Norbert Turini jugent à titre personnel cette excommunication «abrupte» ou «intolérable», marquant leur incompréhension d'une telle sévérité[15].

D'autre part, cette excommunication a été désavouée par la Conférence Nationale des Évêques Brésiliens le 13 mars 2009, considérant que la maman de la fillette avait agi sous la pression des médecins qui craignaient pour la vie de celle-ci. Ils reprochent aussi à Mgr Sobrinho de ne pas avoir suffisamment tenu compte des circonstances spécifiques de cette interruption de grossesse [16]. Dans une tribune publiée le 15 mars dans l'organe semi-officiel du Vatican, l'Osservatore Romano[17], le président de l'Académie pontificale pour la Vie, Mgr Rino Fisichella assure la fillette de la proximité de l'Eglise et se démarque de la décision d'excommunier sa mère et les médecins qui l'ont prise en charge.

Église orthodoxe

Les Églises orthodoxes des sept conciles se réfèrent au canon 91 du concile Quinisexte de 692 :

Les femmes qui procurent les remèdes abortifs et celles qui absorbent les poisons à faire tuer l'enfant qu'elles portent, nous les soumettons à la peine canonique du meurtrier.

En général elles reconnaissent que certains cas extrêmes, comme un danger de mort pour la femme enceinte, peuvent justifier un acte abortif. C'est alors à la femme de prendre cette décision. La position des Églises orthodoxes rejoint, sur le plan de la morale, celle du catholicisme.

Protestantisme

Les Églises protestantes historiques (presbytérienne, épiscopalienne, méthodiste…) adoptent des positions variées. L'avortement est une question éthique, et les protestants considèrent le plus fréquemment qu'en matière de morale, c'est à chacun de prendre ses responsabilités face à Dieu. Ils acceptent le plus souvent l'avortement en cas de grave danger pour la femme enceinte, et ne condamnent pas formellement les autres cas. Ainsi par exemple, la Fédération des Églises protestantes de la Suisse a soutenu la révision du code pénal donnant aux femmes le droit de décider librement sur l'interruption d'une grossesse dans les 12 premières semaines. Les Églises évangéliques interdisent résolument l'avortement.

Témoins de Jéhovah

Les Témoins de Jéhovah, s'appuyant sur plusieurs versets bibliques dont Exode 21 :22, 23[18], interdisent résolument l'avortement à leurs fidèles. Conformément à leurs principes de neutralité politique, ils ne tentent pas de faire modifier les législations sur cette question dans les pays où ils se trouvent[19].


Références

  1. Tertullien : Homo est qui futurus est, Apologeticum, 9, 6-8
  2. Le Vatican abolit les limbes et ouvre aux bébés les portes du paradis - 20 Minutes, 15 avril 2008
  3. Le Vatican ne croira bientôt plus aux limbes - Hervé Yannou Le Figaro, 15 octobre 2007
  4. «La recherche sur les cellules souches humaines» Rapport de la Commission de la culture, de la science et de l'éducation de l'Assemblée parlementaire du conseil de l'Europe, 26 mai 2003, «La recherche sur les cellules souches humaines» Rapport de la Commission de la culture, de la science et de l'éducation au § 11.
  5. décret du Saint-Office du 2 mars 1679 «Erreurs d'une doctrine morale plus laxiste» dans le Denzinger au n°2134 et 2135
  6. Pour tout autant, si la condamnation de l'avortement est renforcé par cette thèse, celle-ci n'est pas «de fide»
  7. Pour plus de précisions, voir la position officielle de l'Eglise catholique romaine.
  8. canon 1398
  9. Le choix de sainte Gianna Beretta Molla, médecin choisissant de mener à terme la grossesse qui l'a finalement tuée, serait de ce point de vue un exemple de «vertu héroïque», mais non une obligation : tout en montrant cette attitude en exemple, l'Eglise n'exige de personne qu'il se amène en héros.
  10. Voir l'encyclique L'évangile de la vie.
  11. Notion introduite par l'encyclique Sollicitudo rei socialis
  12. Cohérence eucharistique des politiciens et des législateurs, «Peut-on permettre l'accès à la communion eucharistique à ceux qui nient les principes et les valeurs humains et chrétiens ?»
  13. Voir l'encyclique de Jean-Paul IIL'évangile de la vie Chapitre 3 § 59
  14. L'excommunication de médecins brésiliens aggrave le trouble des catholiques, Le Monde, 11 mars 2009.
  15. Stéphanie Le Bars, Excommunication au Brésil : des évêques français indignés, in Le Monde, 12/03/2009, article en ligne
  16. [1]
  17. [2] Tribune de Mgr Fisichella sur l'affaire de la fillette ayant avorté au Brésil
  18. «Si des hommes sont aux prises et qu'ils heurtent une femme enceinte et que ses enfants sortent, mais sans qu'il se produise d'accident mortel, il faudra lui imposer sans faute une indemnité, selon ce que le propriétaire de la femme lui imposera, et il devra la donner par l'intermédiaire des magistrats. Mais s'il se produit un accident mortel, alors tu devras donner âme pour âme.»
  19. Apocalypse delayed : The story of the Jehovah's Witnesses, James Penton, Toronto : University of Toronto Press, 1997, p. 152

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